Incroyable le premier animal qui rêva d’un autre animal. Monstreux le premier vertébré qui réussit à se dresser sur deux pattes, semant la terreur parmi les bêtes qui rampaient encore normalement, avec une joyeuse et naturelle proximité, dans la fange de la Création. Ahurissants le premier coup de téléphone, la première ardeur, la première chanson, le premier cache-sexe.
Vers les quatre heures du matin d’un quatorze juillet, Pollo Phèbe, endormi dans sa haute mansarde, la porte et les fenêtres ouvertes, rêva de tout cela. Comme il s’apprêtait à se répondre lui-même, il reçut la visite, à l’intérieur du rêve, d’une figure monacale, sombre et sans visage, qui exprima ses pensées à sa place, poursuivant avec des paroles un rêve de pures images :
- Mais la raison, ni lente ni paresseuse, nous apprend que sitôt répété, l’extraordinaire devient ordinaire, de même que dès que cesse la répétition, ce qui auparavant passait pour fait commun prend figure de prodige : ramper, lancer des pigeons voyageurs, manger du gibier cru, abandonner les morts au sommet des montagnes afin que les vautours, en se nourrissant, assainissent et accomplissent le cycle naturel des fonctions.
Que les eaux de la Seine se fussent mises à bouillir avait sans doute, trente-trois jours et demi plus tôt, été considéré comme une miraculeuse calamité; un mois plus tard, personne ne se retournait sur le phénomène.
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Alors?
Carlos Fuentes, TERRA NOSTRA
à 23:47